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Mon retour sur le film de Nina Narre, « Faut pas pousser », 2021. Déjà rien que l’affiche vaut le coup d’oeil :
Une femme allongée sur le dos, à moitiée nue, jambes écartées et avec un professionnel de santé qui met des gants pour passer à la phase : « Allez y… poussez Madame ». Et qui va attrapper le bébé (dans le meilleur des cas) ou le manipuler pour le « faire tourner » et accélérer sa sortie du vagin, voir… utilise des instruments, comme une ventouse, des spatules ou des forceps.
Et alors me direz vous?
Ce n’est pas normal?
C’est pourtant ce que j’ai vécu… on m’a présenté cela comme tout à fait classique.
C’est souvent comme cela que se termine les premiers accouchements en maternité.
Avec une petite épisiotomie en plus?!
Bref…
Ce film est LE film qui dénonce les protocoles hospitaliers en terme de gestion des accouchements.
1. L'accouchement médicalisé est la norme
Les protocoles, les interdictions (manger), la surveillance extrêmement présente, tout au long de la grossesse et de l’accouchement. Je n’aurais pas la place d’énumérer tout ce que ce film aborde.
Il y a eu un énorme travail de recherche pour un film qui s’appuie sur des faits, des chiffres et qui va bien questionner différents protagonistes sur le sujet.
Oui l’accouchement en France est médicalisé, depuis la formation des sages-femmes, jusqu’à la vision de certains sur le fait qu’une femme ne peut pas accoucher seule, qu’elle a besoin de quelqu’un pour « l’accoucher ».
Comment ne pas se sentir désemparée devant cette femme qui, avec un déclenchement, réussira à accoucher comme le souhaite, c’est à dire sans péridurale, mais perfusée et sans manger ! Alors qu’elle le dit… elle a super faim! Cette femme m’a vraiment touchée.
Un mot quand même sur les propos tellement méprisants des femmes de Mr Nisand. Je pense qu’il ne se rend même pas compte de ce qu’il dit, ça en serait presque drôle si ce n’était pas lui le président du Conseil National des Gynécologues et des Obstétriciens Français ! C’est à dire… celui qui décide des protocoles applicables dans les maternités françaises.
Non, Mr Nisand… une femme de devrait pas demander « Qui vient m’accoucher? »… une femme accouche… point !
Quand à la « crise du logement » en salles d’accouchements… le problème rejoint celui plus généralement le manque de lits et de moyens humains dans l’hôpital en général. C’est effectivement une question politique… et les usager trinquent.
Les besoins des femmes sont sous-estimées, celui des femmes qui les accompagnent aussi (les sages-femmes)… dans le passage de vie qui devrait leur permettre d’exprimer leur puisssance.
Pas étonnant que cette autonomie et la puissance de l’accouchement ne soit pas mise en avant… il n’y pas les moyens de les accompagner… autant rester dans ce qu’on peut faire : allonger les femmes, les monitorer, leur mettre une péridurale, leur demander de pousser ou leur faire une césarienne…
Cela, c’est contrôlable, on sait où on va, combien de temps ça va prendre et tout le monde est en bonne santé…
Vraiment?!
2. La vision de l'accouchement physiologique
Nina réussit à contrebalancer cette vision de l’accouchement médicale normalisé en interwiewant des personnes engagées pour l’accouchement physiologique.
Michel Odent, a donc évidemment sa place dans sa place, lui qui a grandement participé, par ses livres, ses conférences et son expérience à remettre la femme au centre de son accouchement, le médecin ou la sage-femme n’étant là qu’en surveillance.
Oui nous sommes des mamifères et nous avons besoin de calme, de sérénité et de sécurité pour accoucher, entouré des personnes que la femme a choisi pour l’accompagner.
Un bel exemple d’accouchement (le sien!) vient illustrer et montrer des accouchements comme il s’en fait peu : un accouchement à domicile, entouré d’une SF et de son conjoint.
Un accouchement à travers les vagues des contractions, les moments de rires, de pleurs, de cris, d’espoir et de désespoir… mais ça se fait !
Une sage-femme engagée, qui quand elle parle de son métier à d’autres sages-femmes passe un peu pour une extra-terrestre tellement les Sf ont besoin de se déformer suite à leur formation et leurs stage.
Une maternité engagée, dans laquelle les femmes peuvent choisir d’accoucher vraiment sans péridurale, en étant accompagnées pour cela.
Cela reste encore trop rare, cela se développe, mais doucement. Encore souvent il y a des salles natures dans les maternités mais sans l’accompagnement humain que ces accouchements nécessiteraient.
Quand dans mes accompagnements des mamans me racontent qu’elles étaient bien en salle nature, qu’elles géraient que le travail avançait bien et qu’on leur a demandé de quitter cet espace pour aller en salle d’accouchement… je ne comprend pas… Souvent cela ne fait que perturber l’accouchement, le ralentir, et passer à l’accouchement médicalisé.
De même pour celles qui ont super bien géré mais à qui on demande de s’allonger sur le dos pour pousser….
Alors oui, c’est mieux, il y a des salles natures, on laisse à peu près les femmes tranquilles pendant le travail (mais il vaut mieux qu’elles sachent gérer, car elles auront peu de soutien autre que celui du conjoint), mais pour l’expulsion du bébé, c’est une autre histoire.
3. Merci pour cette ouverture cinématographique
Mon seul regret : que les doulas ne soient pas mentionnées une seule fois. Pourtant nous sommes là, souvent dans l’ombre, pour accompagner les familles qui souhaitent reprendre leur pouvoir sur la naissance de leur enfant. Les films et livres qui nous mentionnent sont encore si rares… mais nous n’avons pas dit notre dernier mot, nous sommes de plus en plus nombreuses et notre contribution au nouveau paradigme des naissances est bien effective, dans le pratico-concrêt, auprès des familles.
J’ai échangé avec Nina à ce sujet, et j’ai bien compris que tout ne pouvait pas être abordé, qu’elle a aussi été obligée de passer sous silence d’autres aspects tout aussi importants de l’accouchement, comme les épisiotomies par exemple, ou les cas particuliers (jumeaux, bébés en siège…). Il y a tellement à dire ! De quoi s’occupper pour pleins de prochains films j’espère.
Connaissant Nina sur les réseaux, je me suis demandé avant de voir le film, s’il serait « trop » véhément pour que j’ose le recommander aux mamans que j’accompagne. Et non, il est construit de manière très neutre, ce qui en fait un outil exceptionnel de compréhension de ce qui se joue dans les maternités.
J’imagine les bonds intérieurs et le self contrôle qu’il a fallut à Nina pour tourner certains passages et cela me fait sourire. Mais je pense que c’était nécessaire pour que ce film puisse avoir la portée qui lui est dû.
J’espère de tout coeur que ce film contribuera à ouvrir les mentalités sur cet autre vision de l’accouchement, celle où la femme accouche, et où le soignant est une garantie que cela se passe bien, en confiance de ce qui se déroule.
Au sein de mon programme Objectif Naissance, ce film a toute sa place, il est très complémentaire, pour étayer les 2 visions de l’accouchement.
Alors si ce n’est déjà fait, filez voir le film. Il est accessible ici au prix d’un bon bouquin. Vous ne le regretterez pas…
Et parlez en autour de vous… aux femmes enceintes, aux sages-femmes, à votre médecin, votre osthéopathe, votre doula, votre coiffeuse…
Il est très difficile pour une réalisatrice de se rémunérer sur un film, pour cela il faut qu’il soit vu (loué en streaming, acheté en DVD, vu au cinéma). Car comme pour nous tous… tout travail mérite rémunération.
En regardant ce film, vous apprendrez beaucoup, et vous contribuerez à la construction d’une nouvelle réalité autour de l’accouchement en France.
Si suite au visionnage du film, vous avez des questions qui vous viennent, n’hésitez pas à les poser en commentaires, je me ferais un plaisir de vous répondre.