23 mars 2020, nous attaquons la deuxième semaine de confinement pour freiner l’épidémie du coronavirus. Pour les mamans enceintes cela entraîne des modifications importantes dans leur projet de naissance. Les rendez-vous médicaux de suivi de grossesse sont à priori maintenus, mais elles doivent s’y rendre seule.
C’est au sujet de l’accouchement que l’angoisse monte : comment envisager d’aller accoucher à la maternité sans le papa ? Je vous propose des réflexions à ce sujet.
Avant de commencer, je vous rappelle qu’il existe un groupe Facebook d’échanges et de soutien Coronavirus et Grossesse, n’hésites pas à le rejoindre :
1. Les papas sont-ils encore acceptés en salle d’accouchement ?
A ce jour (21/03/2020), dans toutes les maternités, les papas sont interdits de visite pendant le séjour maternité.
Par contre, dans la plupart des maternités, les papas sont encore acceptés en salle d’accouchement :
Si la mère n’est pas malade du coronavirus
si le père ne présente pas de symptômes du coronavirus
Les précautions de non-contamination sont bien évidemment à appliquer avec beaucoup de minutie et de sérieux. Le papa devra suivre les consignes (lavage des mains, gel hydroalcoolique, chaussons, blouse, charlotte) et il ne devra faire aucun aller-retour à l’extérieur (confinement en salle de naissance!).
Il faut bien comprendre que moins il y aura de déplacements, moins il y aura de contamination possible (pour les parents, pour le personnel soignant, pour les mamans et les bébés présents à la maternité).
Je pense que chaque papa* est prêt à s’adapter à cette contrainte pour être auprès de sa compagne lors de l’accouchement.
*Ces conditions s’appliquent à toute personne accompagnant la mère le cas échéant, par exemple si la femme enceinte a prévu de se faire accompagner non pas par le papa, mais par sa mère, par sa sœur, sa doula… plus que jamais, il n’y a qu’une seule personne autorisée en salle d’accouchement ! Pour des raisons de facilités je parle de cette personne accompagnante en parlant du père, ce qui représente la plupart des cas des accouchements.
Actuellement, cette volonté de permettre au papa d’être présent à l’accouchement devient dépendante de chaque maternité. Chacune décide de ses conditions. Certaines commencent à fermer leurs portes aux papas.
Selon l’évolution de l’épidémie dans les jours ou semaines à venir, cette autorisation pourrait perdurer ou, ce qui est le plus probable, devenir de plus en plus rare, voir être complètement interdite.
Et c’est là que ça se complique pour les mamans…
2. Ce qu’implique la présence du père à l’accouchement (et donc son absence)
Avoir son conjoint à ses côtés lors de l’accouchement est ce qui est normal, et évident. Sauf si le papa n’est pas à l’aise avec cette idée là (voir mon article sur la présence du père à l’accouchement) mais dans ce cas la maman prévoit une autre personne pour la soutenir.
Cette personne sera le pilier de la maman, celle sur qui elle pourra compter. Sa présence et son soutien ont une influence importante sur le déroulement de l’accouchement lui-même. Si la femme se sent en confiance et en sécurité avec cette personne, l’accouchement a plus de chance de se dérouler dans de bonnes conditions, surtout pour un accouchement physiologique.
Pourquoi ? Parce-que pendant l’accouchement la femme change de « monde », elle doit permettre à son esprit de lâcher prise et d’entrer dans les ondes théta pour laisser son corps mener l’accouchement à bien.
Dans un autre langage, lors de l’accouchement, la femme « se liquéfie », devient eau et se laisse couler, si elle peut compter sur les personnes qui entourent (la personne accompagnante surtout) pour la protéger pendant sa transformation. La femme est l’eau, le père est le rocher, le roc qui est là, à ses côtés, quoi qu’il arrive.
Dans le cadre des précautions prises pour limiter la contamination du coronavirus, il se peut que dans les prochains jours, cela a commencé dans certaines maternités, personne ne puisse accompagner la maman qui va accoucher.
Qu’est ce qui va se passer alors ?
Il est à prévoir que les mamans ne vont pas du tout être motivées à l’idée de se retrouver seule à la maternité.
Départ plus tardif à la maternité ?
Accouchement en cours de route ?
Une augmentation des accouchements à domicile, plus ou moins inopinés, sont-ils à prévoir ?
Je ne saurai dire, le futur nous le dira.
Toujours est-il que les femmes qui seront seules à la maternité le jour de leur accouchement vont se sentir plus insécurisées que pour un accouchement en dehors de la pandémie du coronavirus.
A cela s’ajoutant le stress et les protocoles hospitaliers, à la fois de l’accouchement mais aussi du coronavirus, la situation n’est, à priori, pas des plus engageantes. Je ne doute à aucun moment que les sages-femmes qui accueilleront les mamans en salle d’accouchement seront sensibles à ces conditions et feront leur possible pour apporter réconfort et soutien à la femme. On sait toutes que ce ne sera probablement pas suffisant.
Se séparer de sa famille pour en accueillir un nouveau membre ne va pas de soi. Dans notre société du moins, on ne voit pas les choses comme ça et c’est difficile de s’imaginer faire autrement.
Je ne nie aucunement le stress présent en ce moment chez les mamans sur le point d’accoucher, mais je pense qu’il est temps pour vous, si vous savez que vous allez accoucher à la maternité dans les prochaines semaines, d’envisager votre projet de naissance autrement. C’est à dire, sans la présence de votre personne de confiance (père ou autre).
3. Accoucher sans la présence du père (par contrainte sanitaire)
Avoir à modifier son projet de naissance à quelques jours ou quelques semaines de l’accouchement c’est compliqué. Notre cerveau a du mal à concevoir ce retournement de situation.
Cet accouchement, vous l’avez rêvé, imaginé, préparé… avec soins, parcimonie et amour. Vous projetiez certainement un jour heureux, celui de l’accueil d’un bébé dans la famille. Vous avez conçu un enfant en couple, dans l’amour*. Vous vous prépariez à l’accueillir ensemble, dans l’amour toujours. Faire un bébé est un acte sexuel, accoucher aussi. Quoi de plus normal que ces deux étapes se fassent avec la même personne ?
*Je suis consciente qu’attendre un enfant n’est pas toujours un acte d’amour. Il y a des histoires personnelles plus difficiles et je m’excuse auprès des personnes qui ne se reconnaîtraient pas dans mes propos. Pour écrire cet article, il est plus facile pour moi de partir sur la généralité du couple père-mère qui a conçu un enfant et l’attendent dans l’amour. J’ai confiance en votre capacité à faire le tri et à prendre uniquement ce qui vous aidera, selon votre situation
Alors face à de nouvelles contraintes, comment allez-vous pouvoir réorganiser la naissance de votre bébé ?
Je suis doula et j’accompagne les femmes enceintes et les couples qui attendent un enfant à vivre la naissance en conscience. Mon objectif est que chaque femme (re)prennent le pouvoir, à sa manière, sur sa maternité et la naissance.
Actuellement les conditions ne sont pas idéales mais je souhaite vous donner des pistes pour rebondir, et malgré les contraintes, faire de votre accouchement un moment où vous oserez prendre le pouvoir, malgré l’absence de votre conjoint.
Voici un sac de pépites. Vous pouvez piocher dedans, manipuler, remodeler et recréer un projet de naissance pour votre accouchement dans quelques jours ou quelques semaines. Ne laissez pas le coronavirus entacher toute la naissance, vous avez les ressources en vous pour rebondir. Prenez ce qui vous convient, et mettez en place, selon le temps que vous avez devant vous. Toute vos décisions et vos actions sont légitimes.
Sac de pépites pour réenchanter la naissance :
Avant le jour J
✨Pépite n°1 : Ne pas nier ce qui se passe
Parfois on peut se dire que les contraintes nous font tellement peur qu’on ne veut pas y penser et qu’on verra bien le moment voulu. C’est ok si vous êtes une pro du lâcher-prise et capable de vous adapter à un changement de situation facilement. Si vous êtes plutôt dans le contrôle, comme moi, je vous invite à penser aux différents scénarios qui pourraient se passer pour vous familiariser avec eux et chercher en chacun d’eux des moyens de les rendre le plus agréable possible.
✨Pépite n°2 : Visualiser
Se renseigner sur ce qui se passe dans votre maternité. Ne les harcelez pas mais lors de vos derniers rendez-vous si vous en avez, demandez comment cela se passe actuellement. Quelles sont leurs contraintes par rapport au Coronavirus ? Plus vous aurez des réponses concrètes, plus vous pourrez vous projeter sur votre accouchement à venir et commencer à vous appropriez une nouvelle image de ce que sera votre accouchement. J’aime les visualisations, vous pouvez visualiser votre accouchement dans les conditions actuelles mais qui se déroule du mieux possible.
✨Pépite n°3 : Affronter ses peurs et chercher ses ressources
Beaucoup d’entre vous s’inquiètent, angoissent de ne pas pouvoir accoucher avec le papa à leurs cotés dans quelques jours. C’est normal, je comprends vos angoisses. Vous avez raison de les accueillir. Vous pouvez aussi les dépasser. Déposez vos peurs puis prenez un temps pour vous demander ce qui vous fait le plus peur, et ce que vous pouvez faire pour la réduire, ne serait-ce qu’un petit peu… un pas à la fois, jour après jour. Vous avez les ressources en vous.
✨Pépite n°4 : Rester focus sur ce que vous souhaitez vivre
Le coronavirus ne modifie pas la façon dont vous vouliez accoucher :
Vous vouliez accoucher par voie basse ? C’est possible ! Avec péridurale ? C’est possible ! Sans péridurale ? C’est aussi possible.
L’exception se fera si vous êtes malade et en difficultés respiratoires. Dans ce cas, l’accouchement peut être accéléré ou nécessiter une césarienne, pour éviter de vous mettre en détresse.
Alors recentres toi : que souhaites-tu pour ton accouchement ? Revisite ton projet de naissance.
✨Pépite n°5 : chercher vos outils
Avant d’accoucher, explorer les outils qui pourraient vous aider : méditation, relaxation, sophrologie, yoga. Vous trouverez des vidéos sur youtube. A faire une fois par jour minimum pour aligner votre corps et cotre esprit, trouver de l’apaisement, chercher la force en vous !
✨Pépite n°6 : faire sortir la rebelle en vous ?
Ecoutez-vous : qu’est ce qui est juste pour vous ? Qu’est ce qui est impossible pour toi ? Jusqu’où es-tu capable de prendre tes responsabilités ?
✨Pépite n°7 : un mantra
Construisez votre mantra avant d’aller à la maternité. Une phrase qui vous parle, qui vous donne du courage, qui vous permette de vous laissez aller. Un mantra se construit en parlant à la première personne « je », au présent et en affirmation. Par exemple : « La force est en moi !». Vous pouvez demander à votre conjoint de vous aider à trouver votre mantra car il vous connaît bien. Lui-même pourra se répéter le mantra pendant votre accouchement.
Le jour J
✨Pépite n°8 : partir « un peu » tard
Je pense que vous n’avez pas besoin de moi pour y penser à celle-là, faire la plus grosse partie du travail à la maison, en couple.
✨Pépite n°9 : prévoir votre comité de soutien
Vous pouvez prévenir vos plus proches amis ou parents quand vous partez à la maternité, en leur expliquant que vous serez seule pour accoucher, et en leur demandant de penser à vous pendant les heures à venir. Se connecter, envoyer toutes leurs intentions et leurs énergies positives pour vous accompagner, chacun trouvera sa manière de le faire. Vous êtes seule physiquement, mais des personnes vous soutiennent.
✨Pépite n°10 : prévoir un rituel
Avant de partir à la maternité vous pouvez organiser une petite cérémonie avec votre conjoint :
allumer une bougie ensemble pour marquer le début de l’accouchement. Vous l’éteignez en partant à la maternité (c’est plus prudent!) et le papa la rallume en rentrant après vous avoir déposé. Il la laissera allumée jusqu’à ce que vous lui appreniez la naissance de son bébé.
Écrire chacun un petit mot (d’amour, de réconfort, de soutien) que vous vous échangez en début d’accouchement et que chacun pourra garder avec lui tout au long de l’accouchement.
Prendre une photo de vous deux juste avant le départ, et en reprendre une au même endroit à votre retour, avec votre bébé, pour assurer une continuité.
Prendre des graines ou un plant, une bouture. Les semer ou les préparer ensemble. Votre conjoint en prendra soin tout au long de votre séjour à la maternité.
Laissez parler votre créativité. Faites vous confiance, vous allez personnaliser votre histoire.
✨Pépite n°11 : un objet fétiche
Emmenez avec vous à la maternité un objet qui vous est cher, ou qui a de la valeur aux yeux de votre couple, symbolisant votre histoire, votre amour, votre rencontre…
✨Pépite n°12 : exprimer ses besoins
En arrivant à la maternité, exprimez votre état émotionnel et vos besoins à la sage-femme qui vous accueille. En lui disant les choses elle sera plus à même de vous aider et vous accompagner. Les sage-femmes sont sensibles à la situation et à la détresse des mamans dans ce contexte, mais si elles sont débordées, ce sera plus facile pour elles que vous leur expliquiez vos peurs et vos attentes pour cet accouchement directement en arrivant.
✨Pépite n°13 : se connecter aux femmes du monde entier qui accouchent seules
Selon les cultures, les femmes accouchent accompagnées, plus ou moins entourées, ou seules. Et si tout était une question de point de vue ?
Lors de votre accouchement, vous pouvez vous relier par la pensée à toutes ces femmes qui accouchent partout dans le monde, seules.
Je vous partage un extrait vidéo que j’adore ! « Rendez-vous en terre inconnue, Julie Testud chez les Goranes »
✨Pépite n°14 : savoir ce que fait votre conjoint pendant l’accouchement
Où sera votre conjoint pendant le temps de l’accouchement ? Quelles seront ses activités ? Parlez-en ensemble. Il sera plus facile pour vous de visualiser ce que fait le papa pendant que vous accouchez et ainsi il sera en partie avec vous.
✨Pépite n°15 : utiliser son smartphone
Personnellement je ne suis pas fan, car la mère qui accouche a besoin d’être déconnectée de la réalité. Mais si l’équipe médicale le permet, il peut être envisageable de placer le téléphone dans un endroit de la pièce où il ne gène pas, puis de l’oublier, juste le laisser tourner pour que le papa puisse suivre ce qu’il se passe, une fois rentré chez lui en confinement. Bon, il va falloir un chargeur ! A vous de voir si cela vous permet de lâcher prise ou pas.
✨Pépite n°16 : l’importance de l’odeur
Emmenez avec vous un vêtement que le papa a porté (s’il n’est pas malade du coronavirus). Vous pourrez en couvrir votre bébé pendant le séjour à la maternité, pour que l’odeur du papa soit présente auprès de bébé dès les premiers jours.
Et inversement, prévoyez un lange, ou un tissu doux (et propre) dans lequel envelopper bébé dès la naissance. L’odeur du liquide amniotique et du vernix qui recouvre le bébé se transposera sur le linge et cette odeur de nouveau-né pourra aider le papa au moment de faire connaissance avec son bébé.
En post-natal :
✨Pépite n°17 : la sortie précoce
En post-natal, si vous en avez envie, voyez si vous pouvez faire une sortie précoce de la maternité avec des visites d’une sage-femme libérale à domicile. Si cette option vous intéresse, je vous recommande de contacter dès à présent une sage-femme libérale pour voir avec elle si cela est possible de vous organiser.
Attention : il se peut que ces sorties précoces soient facilitées pendant le coronavirus pour permettre aux femmes de rentrer plus vite dans leur foyer OU il se peut aussi qu’elles sont interdites. A ce jour (21/03/20) elles sont encore possibles.
✨Pépite n°18 : le séjour à la maternité
Prendre des photos du bébé et de vous, appeler votre conjoint, faire des vidéos pour lui partager le plus possible d’informations. (Attention toutefois aux ondes des téléphones portables, tenez les éloignés de votre bébé le plus possible ou passez les en mode avion quand vous n’êtes pas en communication).
Prévoyez de quoi vous faire plaisir : chocolat, lecture?)
Parlez à votre bébé et expliquez lui la situation surtout si vous êtes traversée par les émotions. Parlez-lui de son papa, de votre amour.
✨Pépite n°19 : retour à la maison
Profitez en couple du moment du tissage de votre nouvelle famille. Tout le monde au lit et en peau à peau, à volonté.
✨Pépite n°20 : le massage
Afin de créer le lien avec son bébé, laissez le papa prendre soin de lui au quotidien. Le massage peut être un moment qu’ils instaurent ensemble, permettant de faire connaissance par le regard, l’intention, le partage, le toucher.
Pour finir, n’oubliez pas que vous êtes la seule indispensable pour accoucher et prendre soin de votre bébé. S’il est important d’être soutenue et épaulée pendant l’accouchement, c’est bien la femme qui accouche. Et si le bébé n’a qu’une seule personne à ces côtés, c’est important que ce soit sa mère, dans la mesure du possible.
Faites-vous confiance, mamans. Vous pouvez plus que jamais croire en vos compétences à accoucher, même seules. Vous en êtes capables, la force est en vous !
Te sens-tu plus apte à faire face à cette situation ?
Réorganise ton accouchement et ton post-natal. Toi aussi tu as trouvé des pépites ? Viens les partager en commentaires ou sur le groupe Facebook Coronavirus et Grossesse.
Et si tu as besoin d’en parler, d’imaginer les possibilités, avoir un regard extérieur et rebooster ta confiance en toi, n’hésites pas à prendre rendez-vous, je serai ravie de t’accompagner à ré-enchanter ta maternité.